IA générative : une enquête sur le déplacement invisible
SOUS L’ENCHANTEMENT TECHNIQUE, UNE BASCULE DISCRÈTE : QUI DÉTIENT ENCORE LA MÉMOIRE DES SAVOIRS, ET QUI DÉCIDE DEMAIN CE QUI DOIT ÊTRE SU.
Il observe, aligne, compare. Depuis des mois, les articles s’empilent. Chaque semaine, l’IA revient en première ligne. Mais sous l’accumulation des promesses et des alertes, une inquiétude diffuse perce : quelque chose d’autre est à l’œuvre. L’enjeu dépasse la seule prouesse technique. Il touche à la manière dont une société forge ses savoirs, transmet sa mémoire, et désigne ceux qui méritent d’enseigner ou d’interpréter.
« Une réponse sans mémoire » (Source : Le Grand Continent, 5 juin 2025)
Aux États-Unis, ChatGPT a supplanté Wikipedia comme premier réflexe d’accès au savoir généraliste. Une question posée, une réponse fluide obtenue. Mais désormais, plus de bibliographie, plus de débat public de sources, plus d’étagement des controverses. La parole instantanée élimine la lente stratification du désaccord scientifique. Le savoir devient consommation individuelle, sans traces de sa propre construction.
« L’illusion du texte qui sait » (Source : Emily Bender, Financial Times, 19 juin 2025)
Les grands modèles de langage fascinent par leur verve. Pourtant, ils ne comprennent rien à ce qu’ils énoncent. Ils génèrent des phrases en alignant des probabilités de succession de mots. C’est le lecteur qui projette le sens. La mécanique des LLM produit une impression trompeuse d’autoréférence et de maîtrise. L’exercice du doute se relâche. Pourquoi vérifier un texte qui exhibe tant d’assurance formelle ?
« Incapable de modéliser le réel » (Source : Nature AI Review, mai 2025)
Confrontées à des Sudoku simples, les IA génératives s’effondrent. Incapables de raisonner abstraitement, elles n’ont aucune représentation interne des contraintes logiques.